La réforme du bac : pour qui ? pour quoi ? – billet d’humeur

Le ministre de l'Éducation nationale répond à la commande présidentielle de simplifier le baccalauréat, pour le "muscler" et faire le lien avec l'enseignement supérieur. Qu'en est-il ?

Jean-Marie Blanquer a évoqué la nécessité de réformer le baccalauréat pour lui redonner « son sens et son utilité ».La réforme du bac : pour qui ? pour quoi ?

Il mentionne :

Un « bac égalité » ?

Le ministre précise :  car « désormais tous les élèves bénéficieront en première et en terminale d’un large socle de connaissances communes ».

Il ne parle bien sûr que des élèves qui préparent le bac général. Le renoncement à inclure dans sa réforme la voie professionnelle (reléguée à des mesures « spécifiques »), et la voie technologique « confortée » dans sa forme actuelle, est d’abord un renoncement à diminuer le déterminisme social des inégalités au lycée, point noir du système éducatif français.

Pour le Sgen-CFDT se satisfaire de la partition des élèves en 3 voies distinctes et quasiment étanches, menant à des bacs hiérarchisés socialement est à l’opposé de l’objectif d’égalité affiché.

Une réforme du bac pour « se projeter vers l’enseignement supérieur » ?

Jean-Marie Blanquer assigne au bac général un rôle prioritaire d’examen d’entrée dans le supérieur. Cela induit de donner au lycée (général) le rôle de cette préparation aux études supérieures.

D’une part, il semble oublier que les lycéens de la voie technologique se destinent aussi majoritairement à faire des études supérieures : pourquoi ce qui serait indispensable aux élèves de la voie générale ne le serait pas pour les lycéens de la voie technologique pour mieux réussir en post-bac ?

D’autre part, il ne fait aucune référence aux divers attendus des filières post-bac, (comme si implicitement il n’était question que des attendus des filières les plus élitistes (CPGE, IEP, …), solubles dans les (fortes) moyennes des élèves qui y seront sélectionnés, ni au socle commun de connaissances, de compétences et de culture du collège. Sans connexion au socle commun et aux attendus du post-bac le lycée et le bac 2021 apparaissent pour l’instant en apesanteur, et dans l’incapacité d’engager les élèves dans un parcours bac-3/bac+3.

Pour le Sgen-CFDT cette déconnexion est le marqueur d‘une politique éducative sans cohérence.

Le ministre impose aussi un test de positionnement dès l’entrée en seconde (dont on peut douter de l’opportunité au regard des expériences passées même si le contenu n’est pas encore précisé), ce qui fait courir le risque d’un  tri supplémentaire effectué pour distinguer précocement les élèves à profil plutôt « technologique » de ceux à profil plutôt « général ». En effet la remédiation proposée sur des heures d’Accompagnement personnalisé – AP –  s’adresse à tous les élèves ayant une maitrise fragile des compétences écrites en français, mais rien n’est dit de l’utilisation de ces tests en mathématiques.

Pour le Sgen-CFDT, réaliser ces tests alors que les élèves de 3ème ont a priori certifié le socle et le DNB fait courir un risque de dérive du rôle de la classe de seconde.

Classe d’accueil et d’exploration dans le projet Mathiot, la classe de seconde pourrait devenir une classe de tri sélectif dans le projet final.

Un « bac simplifié » ?

Certes, seules des épreuves terminales des disciplines de spécialités, la philosophie et un oral sont prévues en classe de terminale. Mais la prise en compte des « résultats des classes de première et de terminale » grâce à des partiels (avec copies anonymées, corrections croisées et harmonisation) sont autant de mini-bacs, dont on peut imaginer la complexité et la charge de travail induite pour les enseignants et le stress généré pour les élèves tous les 6 mois. Et, comme si ce n’était pas encore suffisant, le ministre prévoit en plus de garder des notes sur un bulletin scolaire. Cette évaluation permanente et récurrente ne sera pas de nature à limiter le bachotage ni à créer un climat propice aux apprentissages, ce qui est pourtant d’abord le rôle du lycée.

Pour le Sgen-CFDT, loin d’une simplification, cela introduit en plus une confusion entre les temps de certification et les temps de formation,

puisque chaque note, à chaque instant, pourra potentiellement être une note comptant pour le bac.