(Contre) Réforme du collège : ce que l’on sait déjà

La réforme du collège commence déjà à se mettre en place à marche forcée, pour la rentrée 2024 : groupes de niveaux, redoublements, nouveaux programmes.... cet article fait le point sur les projets de réformes déjà lancés et recense les moyens de les contester.

réforme du collègeUne réforme du collège qui va profondément le transformer.

Si notre nouvelle ministre, Nicole Belloubet, défendait à l’époque la réforme du collège mise en place en 2016, elle va devoir porter des changements dont l’esprit en est exactement l’inverse.

Des changements importants dans la grille horaire des collégiens et collégiennes

Contre « le choc des savoirs », signez et diffusez la pétition !

Les annonces dite du choc des savoirs ont été précisées par une note du Conseil Supérieur des programmes (CSP) :

  • Mise en place de cours de maths et de français en groupes de niveau sur tout l’horaire, soit 9h/semaine et 36% du temps total de cours obligatoire en Sixième.
    • Rentrée 2024 : pour toutes les classes de Sixième et de Cinquième
    • Rentrée 2025 : pour toutes les classes de Quatrième et de Troisième
  • Un nouvel enseignement complémentaire créé dans la limite de deux heures hebdomadaires pour soutenir les élèves en difficulté (création uniquement si les moyens alloués à l’établissement le permettent).
  • Suppression de l’heure de soutien ou d’approfondissement en français ou en mathématiques en sixième (créée en 2023…).
  • Suppression de l’accompagnement personnalisé (4h complémentaires par classe depuis 2016).
  • Baisse d’une heure de l’enseignement du Latin (LCA) : 1h en classe de Cinquième, 2h en classes de Quatrième et de Troisième (au lieu de 3h maximum).
  • Conservation du dispositif « Devoirs faits », obligatoire pour l’ensemble des élèves de Sixième.
  • Doublement de l’EMC ? Malgré les annonces en grande pompe présidentielle, l’horaire d’EMC reste à 0,5h/semaine. La demi-heure supplémentaire sera constituée par l’engagement et la participation des élèves aux projets d’éducation à la citoyenneté, aux médias et à l’information, encadrés par les professeurs dans la limite de 18 heures annuelles.

Au total, les élèves de 6e perdent donc 1h de cours (25h hebdomadaires au lieu de 26h), ce qui permet de « financer » une partie des mesures ci-dessus. Au passage, l’heure de technologie transformée l’an dernier en heure d’approfondissement et de soutien a fini aux oubliettes…

Quant aux collègues du premier degré signataires du pacte, elles et ils n’ont plus d’heures qui leurs soient réservées dans les collèges, à moins qu’elles et ils ne soient appelé·es à faire les 2h de soutien qui ne sont pas financées dans la DHG, si le ou la chef·fe d’établissement décide de les mettre en place. Quel que soit le dispositif choisi, bonjour les inégalités ! Tous les établissements ne pourront pas mettre en place ce soutien de 2h et, si on utilise le pacte, certains collèges situés en zone rurale ne pourront pas recruter des professeur·e·s des écoles.

Le projet du CSP sur la grille horaire du collège.

La mise en place de groupes de niveau : mesure phare de la réforme du collège version Attal

Dans une note truffée d’erreurs historiques (Jean-Paul Delahaye les a listées dans son article), le CSP nous donne la philosophie de la mise en place des groupes de niveau voulu par Gabriel Attal pour son choc des savoirs, qui va en effet être un terrible choc pour les enfants les plus fragiles…

Le projet de réforme du collège s’inspire explicitement des propositions du syndicat SNALC, « Vers un collège modulaire, Corpus de propositions pour la rénovation du collège », avril 2013 (cité en page 16 de la note du CSP).

Deux parcours différents

Les cours de français et de mathématiques seront donc désormais différents : les élèves en difficulté suivront un « parcours des fondamentaux » ; les autres, un « parcours des approfondissements ».

Pour les programmes de français et de mathématiques, le CSP préconise que soit précisé pour chaque partie s’il s’agit de « fondamentaux » ou « d’approfondissements« . De fait, cette organisation établit donc bien des programmes différents suivant la catégorie d’élève.

Le CSP prévoit que, pour les autres disciplines, les élèves pourront se retrouver en groupes hétérogènes ou demeurer en groupes homogènes. Il sera donc possible de garder les groupes de niveau pour les autres cours et de laisser les élèves en difficulté entre eux (à condition, bien sûr, d’en avoir les moyens horaires dans la DHG).

Le CSP propose deux organisations au choix pour l’organisation des groupes de niveau :

  • Seulement en 6e et en 5e avec pour objectif de remettre l’ensemble des élèves dans le même parcours en classe de 4e
  • A partir de la 5e et durant tout le cycle 4, soit jusqu’en 3e.

réforme du collège réforme du collège

Pour le Sgen-CFDT, cette réforme du collège et ces groupes de niveau vont conduire à une stigmatisation des élèves les plus fragiles et aboutir à un creusement des écarts et un renforcement des inégalités sociales, toutes choses que le rapport PISA a pointé comme une des difficultés majeures de l’école française !

Des emplois du temps conseillés

La réforme du collège que le CSP met en œuvre conduit à une refonte des emplois du temps avec alignement obligatoire des cours de français et de mathématiques (36% de l’horaire global en 6e), afin de mettre en place les groupes de niveau. Des exemples sont proposés :

réforme du collège

Une évaluationnite qui s’aggrave encore…

Comme nous y sommes habitué·es depuis 2017, la réforme du collège portée par le gouvernement Attal va conduire à multiplier les évaluations nationales, notamment en Français et en Mathématiques, et à faire du brevet un petit bac.

En cours d’année

  • Simplification des livrets scolaires avec une évaluation chiffrée qui est à privilégier. C’est donc la fin de l’évaluation par compétences.
  • Évaluations rigoureuses [sic] et régulièrement en cours d’année des niveaux atteints en Français et en Mathématiques.

Pour le brevet des collèges

  • La fin de l’évaluation par compétences pour le socle commun remplacée par les notes chiffrées dans chaque matière.
  • La diminution de la part du contrôle continu pour l’obtention du diplôme du brevet qui doit passer de 50% à 30%. L’examen final portant sur le français, les mathématiques, l’histoire, la géographie, l’EMC, les sciences (SVT, Physique-Chimie, Technologie) comptera donc pour 70% de la note finale.
  • L’obtention du brevet vaudra validation du socle commun.

Le brevet devient donc définitivement un petit bac. Si on ajoute à cela que le brevet devient obligatoire pour passer en Seconde GT ou professionnelle (hors apprentissage), les classes « prépa lycée » risquent d’être bien pleines à la rentrée prochaine…

Pour le Sgen-CFDT, le brevet des collèges devrait devenir un simple certificat d’études de fin de scolarité obligatoire, sans forcément d’examen final, ou en tout cas pas aussi développé.

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L’avis du Conseil supérieur des programmes sur la nouvelle organisation du collège.

Voir aussi la tribune de Jean-Pierre Delahaye : avis de tempête sur le collège unique.

De nouveaux programmes

En Technologie

Conséquence de la réforme de l’an passé (déjà annulée par celle-ci), le CSP a publié en juillet 2023 un nouveau programme en Technologie. Au passage, l’heure qui a été prise à cette discipline en classe de 6e pour financer les heures de soutien en mathématique et en français, s’est finalement évaporée. Le temps de cours des élèves passe en effet de 26h à 25h sur ce niveau.

Le projet de programme en technologie (CSP) – juillet 2023.

En Éducation Morale et Civique (EMC)

Annoncée en grande pompe par le Président de la République lors de sa conférence de presse, le doublement de l’heure d’EMC n’est pas financé ! Comme dit plus haut, la demi-heure supplémentaire sera faite sous forme de projets divers pour 18h annuelles maximum…

Un projet de nouveau programme d’EMC a cependant été dévoilé par le CSP. Pas de révolution, les thèmes ressemblent étrangement aux anciens :

  • 6e : APPRENDRE À VIVRE DANS UNE SOCIÉTÉ DÉMOCRATIQUE
  • 5e : FRATERNITÉ, ÉGALITÉ ET SOLIDARITÉ
  • 4e : DÉFENDRE LES LIBERTÉS
  • 3e : FAIRE VIVRE LA DÉMOCRATIE
  • 2nde : DROITS, LIBERTÉS ET RESPONSABILITÉ
  • 1ère : COHÉSION ET DIVERSITÉ DANS UNE SOCIÉTÉ DÉMOCRATIQUE
  • Terminale : LA VIE DÉMOCRATIQUE : DÉBAT, DÉLIBÉRATION ET PRISE DE DÉCISION

Le projet de programme en EMC.

Une nouvelle classe entre la 3e et la Seconde dite « prépa Lycée »

La réforme du collège du gouvernement Attal met en place un nouveau cycle, le « cycle préparatoire à la classe de seconde », constitué d’une nouvelle classe, « la classe préparatoire à la classe de seconde », pour les élèves admis en seconde générale et technologique ou en seconde professionnelle mais n’ayant pas obtenu le DNB l’année scolaire précédente.

D’après le projet du CSP, ces classes accueilleront donc les élèves admis·es en seconde professionnelle ou générale mais recalé·es au brevet. Ces classes seront implantées dans les lycées où ces élèves sont admis·es, ou dans un lycée proche, lorsque cela n’est pas possible.

Ces élèves ne recevront pas les heures d’enseignement hebdomadaire prévues pour un·e collégien·ne de 3e (26h) ou un·e lycéen·ne de Seconde GT (29h30) puisque le projet ne mentionne que 18h30 auxquelles devraient s’ajouter 8 heures et demi de “projet d’orientation et renforcement des compétences méthodologiques“. Les volumes horaires indiqués dans l’arrêté créant ces classes, sont indicatifs et annualisés.

Discipline Volume annuel prévu Volume hebdomadaires prévu
Français 108h 3h
Histoire-Géo EMC 72h 2h
Mathématiques 108h 3h
Sciences et technologie 108h 3h
Langues vivantes A et B 126h 3,5h
Enseignements artistiques 72h 2h
EPS 72h 2h
Renforcement méthodologique et accompagnement 162h 4,5h
Découverte des métiers (stages, semaine des métiers…) 144h 4h

Concrètement, une première phase d’expérimentation doit avoir lieu dès la rentrée 2024, avant une généralisation à la rentrée 2025.

La présentation par le Conseil Supérieur des Programmes.

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Contre le « choc des savoirs », pour l’École publique, un plan d’action dans la durée !

Une intersyndicale des fédérations et syndicats de l’Éducation nationale rassemblant la FSU, l’UNSA Education, le Sgen-CFDT, la CGT et Sud pour refuser le choc des savoirs dans la durée.

réforme du collège

La journée de grève du 1er février a été une réussite : à l’appel de nos organisations syndicales, des centaines de milliers de collègues se sont mis en grève, des écoles étaient fermées, la grève était majoritaire dans certains collèges et lycées. Les cortèges des manifestations étaient denses, preuve de la force de la mobilisation.

Nos collègues ont clairement exprimé leur attachement à l’École publique.

Ils ont aussi dénoncé le mépris de la ministre de l’Éducation mais surtout l’orientation de la politique menée par l’exécutif : absence de revalorisations salariales, choc des savoirs qui symbolise une modèle d’École passéiste et conservateur qui va à l’encontre de l’intérêt des élèves et des personnels.

Cet ensemble de mesures est une redoutable remise en cause de la liberté professionnelle des enseignants et va poser les bases d’une École du tri social à l’image des groupes de niveau qui vont contribuer à assigner les élèves à leurs positions sociales et scolaires. mais aussi à exclure des classes les élèves en situation de handicap et les élèves allophones.
Concernant la voie pro, nous demandons au ministère de l’Éducation nationale de reconsidérer la réforme, notamment sur la terminale, afin de construire des enseignements ambitieux pour les élèves.

Nous sommes à un point de bascule pour l’École publique.

Cela appelle une réponse forte qui passe par une action dans la durée. Une journée de grève ne suffira pas pour gagner.
Aussi, pour défendre l’École publique, exiger l’ouverture de discussions immédiates sur les salaires ainsi que l’abandon des mesures « choc des savoirs », pour des mesures qui améliorent nos conditions de travail (notamment par l’annulation des suppressions de postes et la création des postes nécessaires), nos organisations FSU, UNSA Education, Sgen-CFDT, CGT Educ’action et Sud Education décident de s’inscrire dans un plan d’action dans la durée :

  • semaine d’actions du 5 au 9 février (rassemblements à l’occasion des instances départementales et académiques), avec par exemple un temps fort le mardi 6 février selon les contextes,
  • lancement d’une pétition intersyndicale pour demander l’abandon des mesures choc des savoirs,
  • nos organisations s’engagent aussi dans la préparation d’un rebond fort et durable de l’action en mars pour le service public d’Éducation et ses personnels.

L’École publique n’est pas loin de l’effondrement. La colère des personnels est grande.

Le premier ministre, s’il ne prenait pas la mesure de la gravité de la situation en y apportant des réponses immédiates, porterait alors une immense responsabilité dans l’aggravation de la crise que traverse l’École publique et ses personnels.

A Paris, le 4 février 2024

Déposer une motion en CA pour dénoncer l’insuffisance des moyens !

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