Le Sgen-CFDT n’est pas résigné

Florent Ternisien, Secrétaire Général du Sgen-CFDT de l'Académie de Créteil, a écrit ce texte en réponse à celles et ceux qui pensent que notre syndicat est résigné, ne voyant pas toute son action. Certes celle-ci n'est pas spectaculaire mais elle est bien réelle.

Le Sgen-CFDT n’a pas appelé à la grève des surveillances du bac. Il n’a pas non plus appelé à une grève de surveillance du brevet ou à une rétention des notes du bac.
■ Il a pourtant rappelé sans cesse son opposition à la réforme des lycées.
■ Son opposition à certaines des mesures de la loi Blanquer.
■ Son opposition au projet de loi Fonction Publique.
■ Son opposition au décret quant à la formation sur le temps de vacances tel qu’il est proposé.
■ Et globalement sa profonde déception quant à une politique d’Education Nationale qui se fait sans consulter les personnels.

Alors souvent surgit cette interrogation : seriez-vous résigné.e.s ? Jusqu’à quand allez-vous tout accepter ?

Le Sgen-CFDT n’est, je le crois, pas résigné.
◄ Il était le 25 juin dans la rue avec la CFDT contre la réforme de l’assurance chômage.
◄ Il y était le surlendemain contre le projet de loi fonction publique.
◄ Il a soutenu les manifestations des jeunes autour de la question du climat.
◄ Il a déposé depuis le mois de janvier et déposera encore à la rentrée prochaine des préavis de grève pour couvrir les nombreuses actions locales sur le terrain, contre la réforme du lycée ou contre la loi Blanquer.
◄ Il a sans relâche poursuivi un travail de questionnement et d’interpellation des hiérarchies et des parlementaires pour faire évoluer des projets de loi qui ne nous conviennent pas. Avec succès parfois.

Il semble désormais convenu de perdre tout sens de la mesure, de repeindre la réalité à sa guise. De refuser de penser les situations rationnellement.

A ce titre le 17 juin dernier, jour d’ouverture du bac, fut un festival, entre les exagérations des un.e.s et les minimisations des autres. Si l’on pense qu’il y avait 50% de grévistes ce jour-là, alors on a perdu une partie du contact avec la réalité.Si on pense qu’il n’y en avait que 5%, aussi.

Perdre tout sens des réalités. Renoncer à ses principes au nom de la colère. Agir par réflexe et sans réflexion. Tout cela personnellement je ne m’y résigne pas.

Je suis donc fier de faire partie d’une organisation qui a analysé les propositions d’action dites « radicales ».
➤ A tête reposée.
➤ Aussi rationnellement que possible.
➤ En syndicat général, soucieux de tous les personnels.
➤ En syndicat réformiste, soucieux de faire avancer les choses.
➤ En syndicat de l’Éducation Nationale, soucieux du service public et des élèves.
➤ Et qui n’a pas vu en quoi ces actions pourraient apporter quelque chose de positif pour les élèves, les personnels et le système éducatif.

Tenter de bloquer le système. Mettre des personnels dans des situations de tension. Risquer de pénaliser les élèves. Et permettre au ministre de parader sur les plateaux TV. Voilà jusqu’ici le bilan, sévère, que je dresse de ces actions.

Alors on me dit : oui, mais tu proposes quoi ?

➜ Une 1e chose déjà : que l’absence de solution productive à court terme n’entraine pas l’utilisation de pseudo-solutions contre-productives. C’est désagréable. C’est rageant. Mais lorsque l’on ne sait pas quoi faire, il est peut-être plus sage de ne rien faire que de faire n’importe quoi.
➜ Une 2e chose ensuite :

de regarder la réalité en face.

Et à ce stade elle montre que nous, personnels de l’Education Nationale, syndicats de l’Education Nationale, sommes en partie démuni.e.s pour nous opposer aux politiques actuellement mises en œuvre par des moyens d’action traditionnels (grèves, manifestations et tout le toutim).
Cette réalité fait mal, même si elle est loin d’être réservée à l’Education Nationale.
Elle est frustrante. Énervante. Déprimante.
Mais elle doit aussi être stimulante. Parce qu’elle nous oblige à nous réinventer.

➜ Car voilà la 3e proposition. Qui n’est pas très sexy, il faut bien le dire. Pas révolutionnaire non plus.

Et si, tout simplement, nous continuions.

■ Continuions cette réinvention du syndicalisme à laquelle nous sommes déjà en train de prendre part.
■ Continuions notre action longue, patiente, mais aussi déterminée et acharnée pour faire changer les choses. Tout ce que nous faisons toute l’année pour faire aboutir un projet qui est le nôtre et en lequel on croit. Au contact des élèves, des collègues, des hiérarchies. En rencontrant les acteurs et actrices du système. En les écoutant. En les questionnant. En les bousculant. Pour faire avancer nos idées, leurs idées.

Le projet du Sgen-CFDT est fait de justice sociale, d’émancipation, d’égalité professionnelle entre autres. Il est, par bien des aspects, bien plus radical que celui de bien des organisations qui s’habillent ainsi et déguisent leur conservatisme sous les couleurs d’une révolution qu’on attend encore.

Il serait bien étrange de vouloir obtenir la victoire là tout de suite, alors que nous savons ce que nous prônons exige un changement de culture à la fois radical et partagé qui ne peut être que lent et patient.
Il serait étrange de renoncer à nos principes démocratiques parce qu’un gouvernement élu démocratiquement (quoiqu’on en pense) met en œuvre une politique qui n’est pas la nôtre.

Oui le travail pour arriver à l’Ecole que nous voulons est sisyphéen.
Oui il est épuisant.
Oui il n’y a aucune garantie qu’au final il aboutisse.

Mais c’est personnellement le seul pour lequel j’ai envie de me battre.
En choisissant mes principes.
En choisissant mes armes : le G du Sgen et le D de la CFDT.

Je ne suis pas résigné.

Comme de très nombreux et nombreuses militant.e.s Sgen-CFDT, j’agis ou plutôt j’essaie d’agir. Tous les jours.

Et si les déceptions sont nombreuses, il y a malgré tout ici et là des petits signes qui, je l’espère, ne trompent pas.

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