Le masculin ne l’emportera plus sur le féminin…

Le Sgen-CFDT est une organisation féministe. Avancer vers l'égalité femmes-hommes passe par la langue et la manière dont on l'enseigne, pour ne plus invisibiliser les femmes. C'est complémentaire de nos actions en faveur de l'égalité professionnelle et de l'éducation à l'égalité contre le sexisme.

Une tribune fondée sur l’histoire de la langue française

314 enseignant·e·s, soutenu·e·s par des dizaines de personnalités de la culture (auteur·e·s, metteur·se·s en scène, journalistes, directeur·rice·s d’associations…), ont publié une tribune, le mardi 7 novembre 2017, dans laquelle elles et ils déclarent ne plus vouloir enseigner que « le masculin l’emporte sur le féminin ».
 
Ce manifeste, à l’initiative d’Éliane Viennot, professeure émérite de littérature française de la Renaissance et membre honoraire de l’Institut universitaire de France, se fonde sur une étude approfondie de la langue française et de son évolution. En effet, selon le grammairien du XVIIIème siècle Beauzée : « le masculin est réputé plus noble que le féminin à cause de la supériorité du mâle sur la femelle », justifiant ainsi la règle grammaticale selon laquelle « le masculin l’emporte sur le féminin ».
 
Or, cette règle sexiste ne fut pas toujours de mise en français, bien au contraire. Avant son adoption au XVIIème siècle, la règle de proximité s’appliquait, comme en latin, ou alors par exemple sous la plume de Racine qui écrit dans Athalie : « Surtout j’ai cru devoir aux larmes, aux prières, consacrer ces trois jours et trois nuits entières ».
 
Les signataires du Manifeste, soutenu·e·s par plus de 25600 personnes à peine une semaine après la publication de leur texte (et désormais plus de 30 000), prônent un retour à la règle de proximité (cf. supra) et à l’accord de majorité pour arrêter de transmettre une image inégalitaire des relations femmes-hommes fondée sur des stéréotypes de genre à travers la langue.

Pourquoi le Sgen-CFDT soutient ce manifeste

La publication de ce Manifeste entraîne un vif débat dans notre société, prouvant à celles et ceux qui ne le pensaient pas encore que la langue est bel et bien politique ! Nombres d’internautes contestent la démarche, insultent et menacent les signataires, confondent refus d’enseigner que « le masculin l’emporte sur le féminin » et écriture inclusive, soutiennent à tort que le neutre existe en français, estiment que les féministes ne devraient pas perdre de temps dans de telles inepties anecdotiques et dénaturant la langue… Or, si le débat est aussi violent, c’est bien parce que, une fois encore, il est question de contribuer à rendre les femmes visibles dans la langue.
 
Le Sgen-CFDT soutient le Manifeste d’Éliane Viennot dans la mesure où cette démarche s’inscrit pleinement dans nos valeurs et nos combats pour l’égalité femmes-hommes. C’est la raison pour laquelle nous interpellons le ministère de l’Éducation Nationale afin que :
  • la règle de l’accord au masculin ne soit plus enseignée en énonçant « le masculin l’emporte sur le féminin », et que son enseignement soit accompagné d’une approche historique de la langue ;
  • les accords de proximité et de majorité soient désormais tolérés,
  • mais aussi afin que l’institution s’engage pour défendre ses enseignant·e·s aujourd’hui victimes de menaces de mort ou de violences sexuelle ou encore de licenciements dans différentes réactions publiées sur internet.
On ne saurait, à l’heure où les violences faites aux femmes font les gros titres, ne pas prendre au sérieux ces menaces et ne pas se rendre compte que ne plus considérer que « le masculin l’emporte » est loin d’être une simple querelle de grammairien·ne·s, mais bien un enjeu de société et un objet d’enseignement pour que les élèves d’aujourd’hui ne subissent plus ce message inégalitaire.