Prendre la mesure de la crise, pour mieux en sortir

Le Sgen-CFDT a adressé le vendredi 19 mars la lettre ci-dessous au Recteur de l'académie de Créteil. Pour nous, il n’y a qu’en prenant la mesure de la crise que nous vivons et de l’importance d’investir à nouveau fortement dans l’éducation que nous pourrons sortir de ce contexte délétère.

La pandémie de Covid19 perturbe depuis désormais un an le fonctionnement des établissements d’enseignement scolaire et supérieur : périodes de fermeture à l’enseignement en présentiel, nécessité de limiter le temps d’enseignement en présentiel par élève ou étudiant.e.s pour réduire la circulation du virus, impossibilité d’organiser certaines épreuves d’examen, mais aussi absences de personnels ou d’élèves et étudiant.e.s, qu’ils soient vulnérables aux formes graves de la maladie, qu’ils soient cas confirmés ou cas contact Covid.

Pour le Sgen-CFDT, nous n’avons pas suffisamment adapté le système d’éducation et de formation à une situation pandémique qui touche durablement l’ensemble de notre société et particulièrement les populations les plus fragiles, nombreuses dans notre académie. Il convient d’investir et de conduire un travail d’ingénierie pédagogique et de formation pour permettre aux établissements d’enseignement scolaire et du supérieur de mieux accueillir élèves et étudiant.e.s, dans le respect des préconisations sanitaires et de mieux les accompagner dans leurs parcours d’étude, dans leurs apprentissages. Tous ces éléments nous semblent nécessaires pour réduire l’impact de la crise sanitaire sur leur parcours de vie. Il faut aussi renforcer les capacités d’accompagnement sanitaire et social pour que tous les élèves et étudiant.e.s dont la précarité s’accroît ne renoncent pas à leur formation. C’est à la fois un enjeu d’égalité des chances et de solidarité, mais aussi de capacité de notre société à construire l’avenir de la jeunesse et poursuivre la dynamique d’élévation du niveau de qualification.

Pour améliorer la capacité des établissements à accueillir élèves et étudiant.e.s dans le respect des préconisations sanitaires, il convient de mobiliser les budgets du plan de relance pour rénover et améliorer des bâtiments dans lesquels il est parfois impossible d’assurer une ventilation et un renouvellement de l’air dans les salles et dans lesquels l’accès aux sanitaires est insuffisant depuis des années. Il est par exemple possible d’améliorer nettement la protection sanitaire dans des espaces peu ventilés avec l’installation de purificateurs d’air dont l’efficacité est désormais reconnue.

La situation de l’académie en ce qui concerne les moyens de remplacement nous inquiète particulièrement.

Qu’il s’agisse de problèmes de viviers ou de moyens financiers, les conséquences sont les mêmes pour les élèves : trop de personnels absents, parfois pour de longues durées, ne sont pas remplacés ; trop d’heures de cours ne peuvent être assurées. Ces absences ne touchent pas les territoires de manière uniforme et pénalisent encore et toujours les plus fragiles plus que les autres. C’est pour notre organisation insupportable. Apporter des solutions durables à cette situation, que la crise du Covid a aggravée mais qu’elle n’a pas générée, doit être une priorité absolue et nécessite des efforts importants et immédiats.

Dans ce contexte l’arrivée des DHGs dans les établissements du 2nd degré a fait, une nouvelle fois, l’effet d’une douche froide. Le Sgen-CFDT défend depuis des années l’importance d’investir dans le 1er degré et ne conteste donc pas la priorité accordée à celui-ci. Mais force est de constater que les moyens du 2nd degré sont progressivement rognés, tout en faisant, plus ou moins subtilement, semblant de ne pas l’être. Deux chiffres, difficilement contestables, en témoignent. Entre 2018 et 2021, le H/E académique est passé de 1,49 à 1,45. Dans le même temps le pourcentage d’heures supplémentaires est passé de 9,9 à 10,7%. Le rôle de pilote pédagogique des équipes de direction est ainsi trop souvent réduit à des calculs d’apothicaire.

Ces éléments témoignent d’une dégradation des conditions d’enseignement dont les effets seront, là encore, avant tout subis par les plus précaires. Il ne peut pas être tenable de demander pendant des années à des personnels de faire plus et mieux avec moins.

Plus largement des domaines entiers semblent aujourd’hui dans des situations dramatiques alors qu’ils sont essentiels, notamment pour les plus fragiles. Le suivi des situations de handicap semble en perpétuel retard face à des besoins qui augmentent fortement. La médecine scolaire, lourdement mise à contribution et cruciale dans la crise que nous vivons, se réduit comme peau de chagrin.

Il n’y a qu’en prenant réellement la mesure de la crise que nous vivons et de l’importance d’investir à nouveau fortement dans l’éducation que nous pourrons sortir de ce contexte délétère.

Trop souvent la parole institutionnelle semble nier ces difficultés ou jouer sur les chiffres pour mieux les masquer. Nous sommes pourtant là, enseignant.e.s, personnels de direction, personnels de vie scolaire, personnels administratifs, personnels de l’orientation pour témoigner qu’elles existent bel et bien et touchent fortement nos élèves et étudiant.e.s.

Nous sommes convaincu.e.s qu’une meilleure prise en charge de ces difficultés passe par une meilleure collaboration entre l’ensemble des personnels. Mais comment cela pourrait-il être possible alors que les évolutions citées précédemment réduisent les marges de manœuvre, sapent la confiance dans l’institution, conduisent à opposer les personnels et favorisent la méfiance là où le ministre avait promis l’école de la confiance ?

Pour sortir de la crise et répondre aux besoins de la jeunesse il faut pour le Sgen-CFDT :

  •       Engager des recrutements (ce qui suppose un collectif budgétaire) et revoir la trajectoire d’emplois, dans l’enseignement scolaire.
  •       Assurer dès maintenant aux contractuel.le.s recruté.e.s comme AED ou enseignant.e.s dans le 1er degré que leurs contrats seront prolongés jusqu’à la fin de l’année scolaire et accompagner leur parcours professionnel vers des emplois stables,
  •       Améliorer les taux d’encadrement dans les établissements d’enseignement scolaire, dans les universités,
  •       Étoffer les équipes de vie scolaire et étudiante,
  •       Renforcer les équipes médicales, sociales et de santé,
  •       Renforcer les équipes administratives qui assurent toutes les opérations de recrutement et de gestion des ressources humaines dans le système d’éducation et de formation,
  •       Développer l’aide à l’orientation et à l’insertion professionnelle,
  •       Renforcer les fonds sociaux et l’information aux personnels, aux élèves et aux étudiant.e.s des modalités d’utilisation de ces fonds afin qu’ils soient pleinement mobilisés pour réduire les effets de la crise économique et sociale qui se traduit par la précarisation de nombreuses familles,
  •       Ne pas dévaloriser les parcours des élèves et des étudiant·es qui ne peuvent subir des épreuves déjà archaïques avant la crise sanitaire mais être capable d’innover pour évaluer.
  •       Donner aux équipes le temps, les moyens et la confiance dont elles ont besoin pour mettre en place le cadre pédagogique qui permettra aux élèves et aux étudiant.e.s de progresser et de s’épanouir.

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