Une circulaire de réouverture qui rate le coche pédagogique

Alors que le retour à l'École se prépare le ministère a publié une circulaire de réouverture qui ne dessine pas de perspective pédagogique claire pour la période à venir et ne sera que peu utile aux acteurs de terrain.

Une certaine prise au compte de l’expérience du confinementÉcole : Une circulaire de réouverture qui rate le coche pédagogique

Le premier bilan partagé de la période du confinement montre d’une part que la mise en oeuvre dans l’urgence de la continuité pédagogique a été possible grâce à l’investissement et une grande créativité des personnels, et d’autre part que cette continuité pédagogique n’a pas empêché le décrochage scolaire d’une part importante d’élèves, public identifié comme prioritaire.

Plusieurs préconisations de la circulaire s’appuient sur ces constats et vont plutôt dans le bon sens :

  • La nécessité de prendre le temps d’accueillir les enfants et les adolescents en équipe pluri-professionnelle, avec mention explicite des personnels santé-sociaux et des psy-EN. C’est le temps de résilience revendiqué par le Sgen-CFDT.
  • Nous saluons la mention dans cette perspective d’une décharge de direction plus importante possible pendant deux à trois semaines pour tous les directeurs et toutes les directrices.
  • L’invitation à constituer des groupes multi-niveaux, qui peuvent favoriser le tutorat multi-âges.
  • L’évocation de groupes de compétences pour répondre aux besoins des élèves, qui nécessitent un travail préalable sur un temps de pré-rentrée revendiqué par le Sgen-CFDT.
  • L’affirmation claire que l’enjeu de cette fin d’année n’est pas de finir les programmes.

Mais beaucoup de manques

Si une circulaire ne peut prétendre à l’exhaustivité certains manques sont problématiques et posent le problème du sens qu’il s’agit de donner à la réouverture. Et la liste est longue. La logique de priorisation des publics scolaires n’est pas poussée jusqu’au bout avec la notion ambiguë de volontariat, ce qui posera des problèmes d’organisation du travail.

De même le caractère hybride potentiellement durable de l’enseignement en présentiel et en distanciel n’est pas assumé ; or c’est un enjeu majeur de la période qui s’ouvre et qui doit être organisé collectivement.

Dans ce cadre, le Sgen-CFDT déplore qu’il ne soit pas fait référence  aux logiques de cycles, au socle commun, qui seraient pourtant bien utiles pour organiser les semaines qui restent et la rentrée à venir. Il déplore également qu’il soit fait référence à du soutien plutôt qu’à de l’accompagnement.

Certains pans du service public d’éducation sont négligés ou oubliés. Il n’y a ainsi pas de mention des GRETA, enjeu pourtant spécifique pour les EPLE, ni des MLDS, acteurs pourtant essentiels de la lutte contre le décrochage scolaire.

Le Sgen-CFDT regrette également le peu de place accordée aux Lycées professionnels : la question de l’accès aux plateaux techniques est oubliée, la perspective de dispositifs intégrés pro/général (co-intervention) n’est pas évoquée, il n’est de même pas question d’un accompagnement à l’insertion professionnelle et à la recherche d’emploi.

L’orientation est certes évoquée mais uniquement dans l’introduction de la 3ème partie : or elle sera un des enjeux majeurs de la fin d’année en collège (niveau 3e mais aussi niveau 4e) et surtout au lycée. Ne pas évoquer le rôle des CIO, et des PsyEN est particulièrement problématique.

Et un inacceptable retour aux injonctions descendantes

Le retour aux injonctions descendantes, avec notamment celle des fondamentaux et des repères annuels contraignants dans les documents d’accompagnement (certes uniquement « mis à disposition »), ne  peut être acceptée après la période passée où la confiance dans les personnels a été affirmée.

Alors que les enfants les plus jeunes vont devoir retrouver une école où ils ne pourront pas jouer avec leurs camarades, où les équipements collectifs seront inutilisables, y compris les livres, où l’adulte portera un masque et après près de deux mois sans classe, comment imaginer proposer un travail spécifique aussi précis :

  • « En grande section de maternelle, un travail approfondi sur le vocabulaire, la conscience phonologique et la compréhension orale est mené pour que les élèves abordent l’apprentissage de la lecture en CP dans les meilleures conditions. »
  • En école élémentaire, il est recommandé, pour une journée type de 6 h, de consacrer :
    • en CP, CE1 et CE2 2h30 aux enseignements de français et 1h30 pour les mathématiques ;
    • en CM1 et CM2, ces volumes recommandés sont respectivement d’au moins 2 heures et 1h30.
  • Au CP, la poursuite de l’apprentissage de la lecture et du calcul est privilégiée. Du cours élémentaire au cours moyen, la résolution des problèmes et la compréhension des textes longs (narratifs et documentaires) sont au cœur des enseignements. Les travaux donnés à la maison répondent aux mêmes priorités. En outre, si les conditions sanitaires sont réunies, une heure par jour est consacrée à l’activité physique, temps des récréations compris, afin de favoriser l’équilibre des élèves. »

Pour le Sgen-CFDT le temps de reprise doit d’abord être un temps de résilience collective, il doit permettre un retour progressif à la vie sociale sans contrainte inutile. Les enseignants connaissent leur métier et l’ont prouvé à de nombreuses reprises, de telles précisions quant aux apprentissages sont inutiles, voire contre productives en période de stress et d’incertitude liée à la pandémie.

La réouverture des écoles et des établissements va nécessiter une ingénierie pédagogique, faisons confiance aux équipes pour la mettre en oeuvre.

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