Dans la course aux économies, il n’y aura aucun vainqueur

Difficile d’échapper en cette rentrée 2025 aux questions liées à la dette publique et à son corollaire : la course aux économies. Celle-ci a pourtant des effets dévastateurs et ne saurait constituer une politique d'avenir pour notre École.

Le constat semble clair. Trop de déficit, trop de dépenses publiques : il est temps de se serrer la ceinture et de faire la course aux économies. Il y a bien sûr un côté passablement absurde à voir ce discours être porté par ceux-là mêmes qui sont depuis des années responsables du creusement des déficits. Et on peut ici rappeler que le choix de ne voir dans les soucis récurrents de budget qu’une conséquence de trop fortes dépenses publiques est un choix éminemment politique, qui peut être contesté et que nous contestons, à l’heure où la politique de l’offre voulue par l’actuelle majorité plombe chaque année le budget de dizaines voire de centaines de milliards d’euros.

Reste qu’étant l’un des principaux postes de dépense de l’État, l’Éducation Nationale est particulièrement concernée. Le grappillage d’euros, sport à la mode depuis au moins une petite dizaine d’années, y a repris de plus belle. Concrètement le sentiment sur le terrain est celui d’une décrépitude galopante de notre service public d’éducation.

  • Les élèves du secondaire français sont parmi les plus nombreux dans les classes au sein des pays de l’OCDE ? Qu’importe, on traque la moindre économie possible pour tasser les élèves et optimiser la dépense.
  • La formation continue des personnels est de l’avis des dernières études et rapports nettement insuffisante ? Peu importe, on traque là aussi les euros à gratter. Réduction de l’offre, frais de déplacement, restriction des coanimations : tout y passe.
  • Et bien que la crise d’attractivité ait pour conséquence le nécessaire recrutement de toujours plus de personnels contractuels, celles-ci et ceux-ci sont désormais embauché·es au compte-gouttes dans l’académie, laissant sur le carreau de nombreu·ses·x collègues alors que des remplacements prévus pourtant de longue-date ne sont pas assurés. Il faut dire que les services administratifs sont eux aussi victimes de saignées régulières, d’autant plus dévastatrices qu’à première vue elles se remarquent moins qu’une classe sans enseignant·e.
  • De leur côté les titulaires voient leurs droits attaqués tandis que leur salaire moyen baisse inexorablement. Ils ont ainsi perdu en moyenne 40 euros par mois rien qu’entre 2021 et 2022 et le salaire statutaire d’un·e professeur des écoles après 15 ans de carrière a baissé de 10% en euros constants entre 1990 et 2023. Dans le même temps, le smic augmentait de 54%.

Qu’importe ! Le temps est à la course aux économies et les promesses de revalorisation, pourtant loin d’avoir été réellement satisfaites, sont désormais oubliées. Tout ceci serait déjà dramatique en soi mais il faut y ajouter un effet collatéral dévastateur : les objectifs que la nation fixe à son système scolaire n’ont quant à eux pas changé.

Il faut faire pareil, tout pareil, avec moins.

Aucune réflexion de fond n’a été produite pour accompagner ces volontés d’économies. Aucune réforme structurelle pour dégager des marges de manœuvre. De l’Éducation Nationale on attend encore et toujours la même chose, mais en coûtant moins d’argent si possible. Si un budget en constante progression, car artificiellement gonflé par les cotisations de retraite, peut faire croire que le système scolaire n’est pas si mal doté, la réalité est tout autre : l’État a cessé d’investir réellement dans son système d’éducation.

Alors que des constats, sévères, sur le système scolaire français ont été dressés ces dernières années, aucune vision pour l’avenir ne semble réellement se dessiner. Aucune discussion sur les évolutions nécessaires n’est en cours. Avec les économies pour seul cap et de temps en temps une bouffée de naphtaline et un retour en arrière pour seul horizon, on voit mal à cette heure comment la galère Éducation Nationale pourrait voguer vers autre chose que des lendemains qui déchantent.

Les idées pour dessiner l’Éducation Nationale du futur ne manquent pourtant pas. Nous en portons, inlassablement, un grand nombre. Et nous nous mobilisons (à commencer par le 18 septembre prochain) pour faire entendre nos idées. On ne peut que souhaiter qu’elles soient écoutées et que la baisse démographique qui s’annonce soit utilisée pour repenser et refonder notre système plutôt que pour tenter de remplir des caisses qui se vident. Car dans la course aux économies, il n’y aura aucun vainqueur.