Blanchet 18 MARS 2019: Déclaration liminaire des personnels de direction Sgen-CFDT

Cette déclaration liminaire est à l'évidence de portée nationale plus qu'académique, mais cette instance qui nous réunit a aussi pour vocation de faire entendre notre voix, celle que nous relayons du terrain, pour qu'elle soit entendue.

1-La réforme de la fonction publique

En premier lieu, il nous faut évoquer le projet de loi de réforme de la fonction publique car son impact sera grand sur nos valeurs, notre modèle de service public et notre fonctionnement demain. La question des solidarités sociales, territoriales et générationnelles est posée ainsi que celle des relations de l’usager-consommateur-citoyen avec les prestataires dudit service public : état, collectivités, associations, entreprises, ….

L’avant-projet qui nous a été communiqué le 18 février prévoit, pour notre organisation, des évolutions contestables :

Réduction drastique du rôle consultatif des commissions administratives paritaires (CAP) sur les décisions relatives à la carrière des agents.

– Augmentation significative du recrutement de contractuels au détriment d’agents titulaires et cela également pour des postes de direction.

– Fusion des CT et CHSCT.

Au vu de cet avant-projet, il s’agit d’un dialogue de sourds. Le ministère répète à l’envi qu’il est un ministère de la confiance mais il formule ses propositions (et sans doute plus tard ses directives) en faisant fi de la parole des partenaires sociaux et des autres discours qui le dérangent. Comment comprendre sinon, le délai indécent de seulement 3 semaines pour réagir à un texte majeur qui n’a pas su tenir compte des échanges préalables ? Le Sgen-CFDT demande un délai plus long afin de pouvoir amender cet avant-projet puisque le Gouvernement se dit prêt à le faire encore évoluer.

De ce texte nous devons tirer également une proposition consensuelle qu’il faut au contraire accompagner au plus vite. Elle rejoint une actualité récente, la journée internationale des droits des femmes, mais surtout elle porte un sujet qui doit revenir urgemment sur le devant de la scène publique au sein de notre Ministère : l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes.

2- L’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes.

Dans un courriel envoyé aux agents, le Ministre nous donne à voir la représentativité des femmes dans l’encadrement supérieur et dirigeant de la fonction publique (environ 22 000 agents soit 0,4 % de l’emploi). S’il est intéressant de se représenter la parité à ce niveau-là de l’encadrement, pour en souligner l’évolution notable de ces deux dernières années, il faut néanmoins corréler ce résultat au fait que 80% des agents du Ministère de l’Education nationale sont des femmes et donc qu’elles demeurent avec un taux de 60% sous représentées à ce plus haut niveau.

Étonnamment absente de ce témoignage ministériel et pourtant tout aussi nécessaire, la parité au niveau de l’encadrement intermédiaire que représentent les inspectrices-teurs et les chef-fe-s d’établissement. Grâce au bilan social 2016 des personnels de direction, nous pouvons nous attarder, pour mieux les dénoncer, sur de nombreuses inégalités choquantes. Les femmes représentent seulement 48 % des personnels de direction, ce qui là encore est très peu pour un Ministère hautement féminisé. Cette première inégalité se double d’une sous-représentation des femmes sur les postes de chef-fe-s, sur leur affectation sur des établissements de catégorie 3 et plus, et sur leur accès aux grades les plus élevés de la hors-classe et de la 1ère classe. Autrement dit plus la responsabilité ou le grade est élevé, plus la proportion d’hommes est importante.

Enfin, pour illustrer le fait que cela ne peut changer sans une impulsion politique volontariste voire coercitive, remarquons que les appréciations portées par la hiérarchie en vue des mutations des personnels de direction discriminent également les femmes qui ne comptabilisent que 85,8% d’appréciations «excellent» et «très bon» quand les hommes en comptabilisent 90,3% (soit un écart de 4,5 points !).

Comme le rappelle Mme la Secrétaire générale de l’Education nationale et de l’Enseignement supérieur, un long chemin reste à parcourir. Notre organisation continuera de travailler ardemment, avec les autres partenaires, dans le cadre du nouveau protocole d’accord pour l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes. Il y a urgence à corriger cette discrimination.

3- Réforme des lycées, de la voie professionnelle et du baccalauréat:

En troisième lieu et pour terminer cette prise de parole préalable à nos échanges, les réformes du lycée, de la voie professionnelle et du Baccalauréat. La réforme du lycée est imposée par le Ministre sans véritable dialogue social. La mobilisation lycéenne de décembre était l’expression d’un malaise général lié à un grand sentiment d’incertitude et d’injustice. Grâce au professionnalisme des personnels de l’Éducation nationale et des forces de l’ordre, nous sommes parvenus à ce que la situation ne dégénère pas. Le Sgen-CFDT reste cependant extrêmement préoccupé car ce malaise n’a pas trouvé les réponses politiques dont il avait besoin tant sur l’insertion professionnelle des jeunes que sur la prévention et la lutte contre le décrochage scolaire, ou encore sur la mixité sociale. Questions fondamentales formulées en filigrane des revendications exprimées sur la sélection et l’orientation : les conditions de réussite au BAC et celles de la poursuite des études.  Le malaise aujourd’hui est également grandissant dans les salles des professeurs en réaction notamment aux incertitudes sur les postes (effet RH des réformes), à l’obligation d’une 2ème HSA (Dotation globale en conséquence), à la reconnaissance de telle ou telle discipline (par le jeu des enseignements communs, de spécialité ou optionnels). Déjà des oppositions se font sentir de diverses manières : sous forme de prises de paroles revendicatives dans les différentes instances de l’EPLE, sous forme d’occupation des lycées la nuit, sous forme de refus de prendre part aux votes ou encore de refus de transmettre des évaluations (20/20 à tous), sous forme aussi de demandes d’audience auprès des autorités académiques, sous forme enfin d’ambiances tendues, de relations abîmées. Ces premiers signes et d’autres signaux faibles plus difficiles à comptabiliser laissent augurer un printemps de tensions et de mobilisations. La suppression des postes administratifs vient enfin s’ajouter au manque de moyens actuels. Devant l’explosion des charges de travail des personnels de direction et des personnels administratifs que supposent les nouvelles modalités d’organisation des enseignements et des évaluations, les premiers découragements se font sentir.

La réforme du lycée dans sa mise en œuvre, a totalement oublié le volet « conditions de travail » des personnels. Il devient complexe, même si nous le saluons, de mener dans le même temps une politique de lutte contre les risques psycho-sociaux puisque parmi ce qui les favorise on trouve pêle-mêle : l’intensité du travail (le travail dans l’urgence et la charge de travail), les tensions avec la hiérarchie, le manque d’autonomie, les tensions avec le public (parents d’élèves et élèves à fleur de peau car en perte de repères et en manque d’informations), le sentiment de ne pas pouvoir faire un travail de qualité, et de vrais conflits de valeur. Autant d’ingrédients qui semblent venir tout droit des réformes en cours.

4- Un grand oublié : le collège

Loin des projecteurs, notre inquiétude se porte aussi sur le collège. Elle est d’une tout autre nature. La focale mise sur le lycée a mis entre parenthèses la réforme du collège, l’a laissée au milieu du gué. L’accompagnement personnalisé, les enseignements de pratiques interdisciplinaires, l’évaluation par compétences, les parcours scolaires ici font du surplace quand ailleurs ils régressent parce que le fer a été porté sur d’autres sujets. Heureusement quelques équipes ont su conserver leur mobilisation mais le pourront-elles longtemps sans relais institutionnels à la mesure de l’enjeu : accompagnement par les corps d’inspection, offre de formation, valorisation des innovations, …

5- Enfin les jeunes et l’écocitoyenneté

L’actualité la plus récente me commande d’ajouter rapidement un dernier point à cette déclaration. Le Ministre nous a invité à organiser ce vendredi 15 mars entre 16h et 18h, avec le concours des CVL des réunions thématiques sur l’environnement et la transition climatique. En confondant le temps de la communication politique et le temps éducatif ; nous avons été mis en porte à faux et en difficulté. En porte à faux car nous sommes placés insidieusement dans le champ politique quand nous voudrions garantir la qualité et la sérénité des échanges et actions sur un sujet aussi primordial. En difficulté car la précipitation ne peut conduire qu’à des organisations peu satisfaisantes.

 

Monsieur le Recteur, mesdames et messieurs, je vous remercie de votre attention.

Les personnels de direction Sgen-CFDT de l’académie de Créteil