Lycées en éducation prioritaire : où en est-on ?

La rentrée 2020 s'accompagne de la fin de mesures transitoires pour des lycées relevant de l'éducation prioritaire. Que se passe-t-il réellement ? Comment agir et que revendiquer ? Nous faisons le point.

I) Historique et nouveautés de la rentrée 2020

1) La situation des lycées avant la réforme de l’éducation prioritaire de 2014

Avant 2014, et après de multiples changements, l’éducation prioritaire se concentrait dans deux dispositifs : les établissements éclair et les réseaux de réussite scolaire. Elle concernait en très grande majorité les écoles et les collèges.

L’appellation ZEP avait quant à elle officiellement disparu, tout en continuant à être utilisée par la quasi-totalité des acteurs du système scolaire.

Le cas des lycées est particulier.

En effet, depuis 2006 les lycées ne faisaient plus partie des dispositifs d’éducation prioritaire à l’exception de ceux classés ECLAIR, sur des critères peu objectifs (4 seulement dans l’académie de Créteil : Georges Brassens à Villeneuve-le-Roi, Gabriel Péri à Champigny sur Marne, Suger à Saint-Denis et Auguste Perdonnet à Thorigny sur Marne). Néanmoins les personnels et les directions de nombreux établissements ont souvent continué à utiliser l’appellation ZEP après 2006.

Par ailleurs certains lycées étaient et sont toujours classés « politique de la ville » ou « sensible » et à ce titre les personnels y enseignant bénéficient de certaines indemnités ou avantages dans le cadre des rémunérations et des mutations (voir plus bas). Ceci entretient la confusion avec le dispositif ZEP précédemment existant.

Une liste des lycées relevant ou ayant relevé, à divers titres, de l’éducation prioritaire est disponible sur le site de l’OZP accompagnée de nombreuses explications.

 

2) La réforme de l’éducation prioritaire et les lycées

 

La réforme de l’éducation prioritaire a concerné uniquement les écoles et les collèges. Pour ces établissements le classement REP ou REP+ s’est substitué aux anciens classements.

La question des lycées a quant à elle été laissée de côté.

Le ministère a tout d’abord prolongé les mesures déjà existantes pour les établissements et les personnels pour 2 ans en 2014, avant de les prolonger pour 2 ans supplémentaires à l’automne 2016, le temps d’étudier réellement la question, puis encore jusqu’à cette rentrée 2020.

Personne ne sait ce qu’il adviendra ensuite, même si un bon nombre de dispositifs ne dépendent pas des classements éducation prioritaire de l’éducation nationale. Aucune nouvelle carte n’est annoncée avant 2021.

3) Que se passe-t-il en cette rentrée 2020 ?

Elle marque la fin des mesures transitoires pour des lycées précédemment classés ZEP puis Eclair. Comme on l’a vu précédemment, ces lycées sont peu nombreux, particulièrement dans l’académie de Créteil. Les lycées classés politique de la ville et/ou sensibles (voir plus bas) sont eux beaucoup plus nombreux.

Dans ces lycées ex-ZEP et ex-Eclair les personnels ne touchent désormais plus d’indemnité. Les avantages liés à la mobilité (points pour les mutations) sont eux aussi touchés, même si beaucoup de ces lycées sont aussi classés politique de la ville, ce qui offre au mouvement inter (mais souvent pas à l’intra) les mêmes avantages. Cela n’a pas d’effet sur l’avantage spécifique d’ancienneté qui n’est lui pas lié au classement ZEP ou Eclair précédent.

Le classement « politique de la ville » (voir plus bas) n’est pas concerné par la fin de ces mesures transitoires. Quant au classement « sensible » (voir là aussi plus bas) il ne devrait logiquement lui aussi pas l’être, mais il est difficile d’y voir clair tant la communication ministérielle se fait rare sur le sujet. Dans ces établissements, bien souvent le versement de la NBI ne se fait qu’à partir du mois de novembre. La paye de septembre ne permet donc pas d’avoir le cœur net sur ce qui est prévu.

Le Sgen-CFDT a d’ores et déjà écrit au ministre pour demander, dans l’ensemble des établissements concernés (ex-ZEP, ex-Eclair et donc éventuellement « sensible ») le maintien des mesures transitoires en attendant l’ouverture, enfin, d’une réelle réflexion sur les lycées et l’éducation prioritaire.

Le Sgen-CFDT a par ailleurs rencontré la secrétaire d’Etat en charge de l’Education Prioritaire pour lui faire part de nos inquiétudes. Elle indique que les rectorats ont reçu pour consigne de trouver des solutions pour compenser financièrement l’arrêt du versement des indemnités pour l’année 2020-2021 avec effet attendu sur la paie d’octobre, au plus tard de novembre.

II) Ce qui existe aujourd’hui

1) Les lycées en « Zone sensible »

a) Liste des établissements

Ce label a été créé en 1992. La liste des établissements situés en « zone sensible » n’est alors pas publiée pour éviter les stigmatisations. A partir des diverses informations recueillies au fil des années, nous avons pu établir cette liste pour l’académie de Créteil. Toutefois, faute de liste « officielle », celle-ci est à prendre avec précaution.

Quelques précisions supplémentaires issues du site de l’OZP, référence en la matière : « En 2003, on recensait 171 établissements sensibles, dont 112 (environ 65%) étaient en ZEP (mais la liste n’était pas rendue publique pour éviter un effet de stigmatisation). Depuis plusieurs années, cette catégorie n’est plus guère utilisée que pour l’attribution de primes spécifiques aux personnels qui y travaillent ».

Une nouvelle liste de 184 établissements sensibles a été établie en 2009, mais comme l’explique l’OZP : « Il est difficile de savoir actuellement si ces 184 établissements « sensibles » (qualifiés ainsi sur le site du MEN) ont un rapport avec les « établissements sensibles » créés en 1992 ».

b) Indemnité pour les personnels

Une NBI (nouvelle bonification indiciaire) de 30 points et correspondant à un montant annuel autour de 1600 euros est versée aux personnels enseignants et de documentation exerçant en zone sensible ; la part modulable de l’indemnité de suivi et d’orientation des élèves (ISOE), normalement versée au professeur principal peut, en zone sensible, être versée à deux enseignants.

c) Et ensuite ?

Ce classement peut être concerné par une éventuelle refonte de l’éducation prioritaire en lycée. Les avantages des personnels dans ces établissements semblent à ce jour toujours d’actualité.

2) Les lycées classés « politique de la ville » et « ex-APV »

a) Présentation

Ce classement est lié à la politique de la ville, une politique interministérielle qui concerne tous les fonctionnaires. Il provient notamment d’un décret de 1995 qui accorde un droit à mutation prioritaire et un droit à l’avantage spécifique d’ancienneté pour certains agents de l’État affectés dans les quartiers urbains particulièrement difficiles.

b) Priorité de mutation

Ce classement donne une priorité dans le cadre des mutations inter-académiques aux  personnels qui enseignent dans ces établissements. C’est la fameuse bonification de 400 points pour les mutations inter-académiques au bout de 5 ans. Cette priorité est directement liée à l’article 60 de la loi du 11 janvier 1984 qui concerne l’ensemble des fonctionnaires.

Avant la réforme de l’éducation prioritaire de 2014, les établissements « politique de la ville » étaient regroupés avec quelques autres établissements, notamment de territoires plus ruraux, sous l’appellation APV. C’est cette appellation qui ouvrait droit à la bonification.

La réforme de 2014 a entrainé quelques changements pour l’ensemble de ces établissements :

  • Dans les lycées ex-APV et classés politique de la ville (environ 70 lycées situés dans le 93 et le 94) les personnels bénéficient toujours d’une bonification au bout de 5 ans (elle est désormais de 400 pts). Il n’y a par contre plus de palier supplémentaire au bout de 8 ans (ce que nous regrettons fortement).
  • Dans les lycées précédemment APV et qui ne sont pas classés politique de la ville (il y en a 10 dans l’académie, dont 6 dans le 77 et 2 qui étaient classés Eclair)  : les points acquis avant le 31 août 2015 ont été utilisables jusqu’au mouvement 2020. Par contre les personnels ne cumulent plus de nouveaux points depuis 2015 et ne bénéficieront plus de bonifications après 2020.

c) L’avantage spécifique d’ancienneté

Les personnels qui enseignent dans les établissements classés politique de la ville bénéficient de lavantage spécifique d’ancienneté. Celui-ci permet, après 2 ans de présence dans un établissement, de bénéficier à chaque promotion de plusieurs mois d’avancement supplémentaires. Le gain est substantiel puisqu’il équivaut à 2 mois d’ancienneté par an. Ce dispositif n’est pas remis en cause par la réforme PPCR et n’a pas été impacté par la réforme des REP puisqu’il est interministériel.

d) La liste des établissements

Vous pouvez consulter la liste des établissements classés politique de la ville et ex-APV .

Pour le classement politique de la ville, la référence utilisée par le ministère est toujours le classement établi en 2001. Or la carte de la politique de la ville a été revue en 2014. Mais le ministère tarde toujours, malgré nos demandes répétées, à prendre en compte ces modifications qui permettraient notamment d’intégrer des établissements de Seine-et-Marne précédemment classés APV.

e) Et ensuite ?

Pour les personnels des établissements classés politique de la ville, et ils sont très nombreux dans l’académie, les bonifications liées au mouvement et l’avantage spécifique d’ancienneté ne sont pas en danger aujourd’hui.

Ces dispositifs ne dépendent pas du seul ministère de l’éducation nationale et ne peuvent pas être supprimés par une réforme de l’éducation prioritaire dans les lycées. Ils ne sont pas concernés par les mesures dites « transitoires » pour les lycées puisqu’ils existaient avant la réforme de l’éducation prioritaire et continueront à exister après.

3) La question des effectifs

a) Où en est-on ?

Derrière la question des ZEP se cache souvent celle des effectifs dans les classes. Essentielle, notamment pour les conditions de travail, cette question cristallise bien souvent les inquiétudes légitimes des enseignants.

Les liens entre l’éducation prioritaire et les effectifs dans les classes sont toutefois complexes. Les statuts ZEP ne prévoyaient pas de seuil clairement fixé de nombre d’élève par classe. Cependant, au cours des 30 dernières années, il est apparu comme logique que les établissements classés bénéficient d’effectifs plus réduits. Ces mesures sont le fruit de négociations et d’usages au niveau des DSDEN et des rectorats et non de textes réglementaires.

Elles conduisent par exemple au fait qu’un très grand nombre de lycées du 93 voient leur nombre d’élèves plafonné à 30 en seconde, ce qui n’est pas forcément le cas pour des lycées au profil équivalent dans le 94 ou le 77.

b) Et ensuite ?

Il est bien difficile de savoir quel impact aurait une réforme de l’éducation prioritaire en lycée sur les effectifs par classe puisque ceux-ci ne sont pas liés stricto-sensu au statut d’établissement prioritaire (lequel, on vient de le voir, recouvre des réalités bien différentes). Une réforme ne se traduirait pas forcément par une remise en cause de certains seuils, tout comme ces seuils pourraient être remis en cause sans réforme.

Néanmoins, il pourrait paraître logique de penser que si un établissement n’est plus classé il sera tentant pour les autorités académiques de « faire sauter » certains seuils. C’est cependant sans doute mettre la charrue avant les bœufs. Dans bon nombre de lycées le seul classement réel est celui « politique de la ville » qui, on vient de le voir, ne peut être remis en cause par une réforme de l’éducation prioritaire en lycée.

Par ailleurs il ne faut pas sous-estimer la capacité d’action et de pression des collègues, notamment sur cette question des effectifs.

4) La dotation de solidarité

a) Où en est-on ?

Voilà un avantage bien peu connu des collègues. Chaque année la région Ile de France alloue des sommes supplémentaires aux lycées considérés comme « défavorisés ». Ces lycées sont identifiés à travers le pourcentage d’élèves issus de CSP défavorisées. Ces moyens conséquents (5 millions d’euros pour 153 lycées) doivent être utilisés pour des projets pédagogiques à destination des élèves. Ils peuvent permettre de financer un bon nombre de projets, de sorties voire de voyages.

b) Et ensuite ?

Cette dotation n’est pas remise en cause par la majorité régionale actuelle. Elle devrait donc continuer à exister lors des prochaines années. Mais son mode de calcul ainsi que les critères d’attribution, actuellement défavorables pour les lycées professionnels et les lycées polyvalents, doivent faire l’objet cette année d’une révision.

III) La position du Sgen-CFDT

Le Sgen-CFDT de l’académie de Créteil, dont la fédération est à l’origine de la création des ZEP il y a plus de 30 ans, soutient la demande d’une carte précise de l’éducation prioritaire en lycée, du maintien des avantages pour les personnels ainsi que de moyens spécifiques pour les établissements en question.

Mais il refuse que la question de l’éducation prioritaire soit réduite à celle des moyens comme cela est trop souvent le cas. On peut par ailleurs regretter que la mobilisation repose parfois sur une confusion entretenue (sans doute par manque de connaissance) quant aux différents dispositifs et aux réels dangers pour les personnels. Certains chiffons rouges sont ainsi agités sans réel fondement (voir plus haut).

Le Sgen-CFDT continue de demander que la carte des établissements politique de la ville soit mise à jour pour y faire entrer ceux qui y ont désormais droit.

Le Sgen-CFDT souhaite continuer à porter, par le dialogue social et la mobilisation, une vision ambitieuse de l’éducation prioritaire dans les lycées.

Retrouvez notre glossaire des sigles de l’éducation prioritaire : partie 1 et partie 2.

Nous vous invitons ainsi à lire les articles ci-dessous pour en savoir plus.