La mise en place du logiciel Op@le a provoqué une réorganisation profonde et précipitée des tâches dans les services d'intendance des établissements scolaires. Nous profitons de l'audience avec le DASEN 94 le 26 mars 2025 pour faire un point d'étape.
Op@le : une transformation précipitée et encore mal accompagnée
Même si nous devons saluer les améliorations réelles apportées à Op@le depuis la vague 6 à l’automne 2024, notamment en matière de formation et de suivi, les vagues précédentes ont laissé des traces, et la transition reste compliquée pour beaucoup de personnels en établissement.
Le sentiment partagé, c’est celui d’une réforme subie : montée en charge rapide, bugs persistants, peu de temps pour se former, et un appui encore inégal selon les situations locales.
Une charge de travail accrue et mal répartie
Op@le a certes permis une avancée incontestable sur un point : la numérisation complète de la comptabilité, qui représente un progrès attendu, mais dans le même temps, on ne peut que regretter l’absence totale d’outils mobilisant l’intelligence artificielle ou l’automatisation intelligente.
Alors que d’autres secteurs publics ou privés s’appuient déjà sur des assistants numériques capables de détecter des erreurs, de proposer des rapprochements, ou de générer automatiquement des synthèses, Op@le reste un outil rigide, peu ergonomique, très éloigné des standards actuels de simplification du travail administratif.
Cette lourdeur pèse d’autant plus que les chef.fe.s d’établissement, ordonnateurs et ordonnatrices des dépenses, sont encore très peu formé.e.s au logiciel. Cela les empêche de jouer pleinement et sereinement leur rôle de pilote budgétaire.
Par ailleurs, Op@le rate également le coche sur un autre aspect fondamental : la transparence et la fluidité du pilotage partagé. Aujourd’hui, le Conseil départemental, notre deuxième autorité de tutelle, n’a pas d’accès à Op@le. Il ne sait donc pas précisément quels établissements sont passés sous ce régime, ni où en sont les finances de chacun. Ce manque de lisibilité alourdit encore le travail des gestionnaires et rend plus complexe le dialogue avec les collectivités.
Des effets humains préoccupants, encore mal mesurés
Ce que nous constatons sur le terrain, c’est une fatigue croissante chez les collègues, sous pression, et parfois isolés. Des tensions apparaissent dans les équipes, des erreurs s’accumulent, et le travail déborde de plus en plus sur la vie personnelle.
Nous n’avons pas aujourd’hui de chiffres précis sur les conséquences de la mise en place d’Op@le : combien de démissions, de reconversions, de burn-out, d’arrêts maladie ou de demandes de mutation ? Mais ces signaux faibles, qui remontent de façon régulière dans nos réseaux, devraient selon nous faire l’objet d’une attention particulière de la part de l’administration. Des éléments chiffrés à ce sujet, pour mesurer la souffrance ou le désengagement, seraient, à notre sens, une première étape indispensable pour objectiver ce que nous percevons déjà très nettement sur le terrain.
Nos demandes
Nous ne demandons pas l’abandon d’Op@le ni un retour en arrière. Mais nous demandons que sa mise en œuvre soit humainement soutenable, équitable et reconnue.
Cela suppose plusieurs leviers :
- Une évaluation sérieuse des effets de la réforme, sur les personnels comme sur les partenaires.
- La poursuite et le renforcement des formations concrètes, sur site ou en petits groupes, et un accompagnement de proximité par des personnels formés.
- Une meilleure articulation avec les collectivités territoriales, notamment via un accès encadré à certains indicateurs d’Op@le pour les conseils départementaux.
- Et enfin la reconnaissance financière du temps de travail supplémentaire que ce nouveau logiciel induit.
Aujourd’hui, les personnels concernés travaillent souvent au-delà de leurs horaires réglementaires pour compenser les lenteurs, les lourdeurs ou les dysfonctionnements du système, soucieux et soucieuses du suivi des familles et du bon fonctionnement de l’établissement.
Il est impératif que ce surcroît de charge soit reconnu, soit sous forme indemnitaire, soit à travers des dispositifs de compensation adaptés.
Nous ne pouvons pas continuer à demander toujours plus aux agents sans contrepartie.
La transformation numérique a un coût humain ; ce coût ne peut être entièrement assumé par les personnels. Le service public de l’Éducation nationale repose sur des agents investis, rigoureux, souvent passionnés. Aucun logiciel, aussi puissant soit-il, ne peut se déployer au prix de leur santé, de leur équilibre ou d’un engagement gratuit et infini. Nous avons donc demandé au DASEN de prendre acte de cette alerte, d’engager un dialogue sincère et de veiller à ce que la modernisation des outils ne se fasse ni au détriment des agents, ni sans leur pleine considération.